Très Sainte Trinité

Le mystère le plus insondable qui soit pour nous, humains, celui de la nature même de Dieu est en partie accessible par la révélation que nous en fait l’Évangile : Dieu est unique, il est un, il est en même temps trois « personnes » en relation d’amour.

Comment prétendre effectivement que Dieu puisse être amour de toute éternité, même avant la Création sans que soit possible pour lui la capacité de don et d’accueil qui constitue la relation d’amour ? Mystérieusement cela n’affecte pas l’unité de nature, le « consubstantiel » que la nouvelle traduction du Credo a réintroduit, mot étrange puisqu’il est spécifique à cette réalité qui ne peut que nous dépasser. Contempler la Très Sainte Trinité dans son unité et dans l’harmonie de ces trois « personnes » égales nous conduit au sein même de Dieu et nous communique sa paix.

Après le couple humain : « Dieu créa l’être humain à son image : il le créa homme et femme » (Gen I 27) qui en est le meilleur reflet à nos yeux, la représentation artistique qui a été la plus capable d’exprimer l’inexprimable reste l’icône russe de la Trinité, œuvre du moine Andreï Roublev au XVème siècle, qui pour cela utilise le récit de l’hospitalité d’Abraham (Gen XVIII). Arrachée en 1929 à son monastère d’origine par l’autorité soviétique, elle fut confiée à la galerie Tretiakov de Moscou, en raison de sa qualité artistique et de son rayonnement populaire. Ce dimanche 4 juin 2023, en la solennité de la Trinité, elle quittera le musée qui l’abrite pour être rendue à sa fonction religieuse en la cathédrale du Saint-Sauveur puis au monastère de la Trinité Saint-Serge où elle était vénérée jusqu’au siècle dernier. Cette décision de Vladimir Poutine est éminemment politique et suscite évidemment force commentaires et réactions, elle met en lumière le pouvoir spirituel des images (ne dit-on pas que Staline lui-même fit survoler la Russie par un avion transportant une icône pour unir la nation contre l’Allemagne nazie ?). Pour les orthodoxes la puissance des icônes est quasi sacramentelle, pour nous, occidentaux, elles sont des médiations comme tant d’autres, dont l’homme a besoin pour accéder un tant soit peu à ce qui le dépasse. « Contempler la Trinité de Roublev aidait les princes russes à surmonter la discorde du monde », explique un spécialiste de l’art russe.

Sur ceux qui contemplent d’un cœur pur et confiant la Très Sainte Trinité, descend sans aucun doute une grâce d’unité, de paix et d’amour ; qu’elle inonde les chrétiens de toutes confessions et particulièrement nos frères russes et ukrainiens, qu’elle touche chacun d’entre nous, le monde en a tant besoin.